La viscosité des corps fongiques

Ou comment l’édition aurait peut-être pousséles éditions Campanula speciosa, 2022
Texte d’Églantine Chevalier – 19 pages, 11*18 cm
Pyrogravure manuelle sur papier thermique, impression numérique sur papier calque.
Typographie : Simula Italic

Peut-être aurais-je claqué bruyamment la langue. Tu m’aurais observée dissimuler, difficilement, mon stress. Parsemée de graines de fierté. J’aurais égrené mon imagination dans chaque recoin. Iels se seraient emparés d’une collection d’amanites, de cet exemplaire couleur de rocou ou de celui à la robe clathre. J’aurais observé, et j’aurais vécu.
Je me serais laissée empruntée, touchée, regardée, humée. Je me serais amusée avec ces mots. Ce nom, appellation, titre, on peut s’amuser follement. Viscosité, callosité, blésité, iotacisme, gammacisme, « subs. masc. trouble de la parole consistant en la difficulté ou l’impossibilité de prononcer le son [g] », la viscosité des corps fon.iques, elle lit le livre fon.us en manjeant un .ateau qui lui fait boujer la partie zy.omatique de son visaje. Viscosité, je l’assimile à cavité, ou porosité. Des cavités poreuses ou visqueuses. Des viscosités poreuses ou caviteuses. Ou mieux, des porosités visqueuses et caviteuses. 
Mais ce mot n’existe pas. Alors peut-être, « capiteuses ». Ces précieux objets, viscosités poreuses et capiteuses. Lorsque l’on entrouvre, les effluves vous montent à l’inspiration, ce n’est plus la madeleine de Proust mais la morille de Proust. Je traverse les étagères, métal froid et bois des planches. Les mots sur la tranche. Différentes langues, pensées, langage. Au travers des pages, ouvrages neufs et anciens. Humidité ancienne, mais aucune moisissure, Mold, plíseň, Schimmel, עֹבֶשׁ, muffa ou плесень
Nulle part. Ces images de volatiles nous atteignent l’oreille. Le goût de la reliure. Je préfère les brodées aux collées. Les feuillets s’envolent comme à l’automne, pas friables mais acerbes, adamantin, coriaces. Là, deux écoles : comme né, intact du temps et des promenades littéraires ; ici écorné, écorché, déchiré, abîmé par les lectures, par les voyages, la forêt.